INDISCIPLINE

“Elle est le ferment de la création, de la liberté, du changement de perspective. L’indiscipline ne s’organise pas. C’est une attitude, une posture, un état d’esprit que l’on peut certes favoriser ou réfréner, mais qui ne peut s’instituer. L’indiscipline ne se décrète pas. Elle est au cœur de toute l’histoire de la création, mais la plupart du temps sans tambour ni trompette. Elle est reconnue dans son ampleur, rétrospectivement. 

On forme difficilement à l’indiscipline, même si celle-ci est souvent le résultat indirect d’une éducation et d’une posture à l’égard de la pensée et de la connaissance. L’indiscipline est autant nécessaire aux disciplines qu’à l’interdisciplinarité. Bien sûr celle-ci n’existe pas en soi, elle se nourrit aussi des connaissances et se manifeste toujours par rapport aux traditions existantes. Elle est néanmoins le surgissement de cette liberté d’esprit inattendue qui permet de déplacer une problématique, une manière de voir, une évidence, une tradition. Elle bouscule et gène toujours par son caractère inspiré. Sa force est de ne pas dépendre d’un territoire, d’une tradition, mais d’une posture, et c’est elle le vrai facteur de changement.

L’indiscipline est le plus souvent considérée comme une menace, car elle laisse ouverts les possibles.

Enfin, ne jamais oublier le rôle des batailles perdues, des passeurs incompris, des théories loufoques, des destins inclassables, de tout ce qui, simultanément à l’histoire officielle – et impériale – des sciences triomphantes, rappelle l’importance de l’inattendu, du ridicule et du sans importance.”

source : Interdisciplinarité : entre disciplines et indiscipline, Hermès, La Revue, 2013/3 n° 67, CNRS Éditions